Vivian Maier : de l’ombre à la lumière…
Toute une vie au souffle de l’émotion

Cet agent immobilier américain de 26 ans avait acheté aux enchères, pour 400 dollars, un lot de 30 000 photographies anciennes exhumées après la liquidation d’un garde-meubles de Chicago. Président d’une association consacrée à l’histoire locale, il espérait y trouver des illustrations pour un livre en préparation. Ce qu’il découvrit sous la poussière est aujourd’hui considéré comme une œuvre inestimable. « À l’époque, je ne connaissais rien à la photo, reconnaît ce grand homme blond à l’allure adolescente. Mais ces instantanés avaient quelque chose de fascinant. » Il se laisse happer par l’élégance, la tendresse et l’humanité de ces clichés vieux d’un demi-siècle. Autant d’expressions et de moments surpris d’un coup d’œil vif et tendre, en ces temps de ségrégation raciale, où l’ironie affleure aussi souvent que les larmes.
Sa découverte va changer l’histoire de la photographie de rue.
Parmi ces milliers d’images, un visage revient : une femme, barrette fichée dans une coiffure sans apprêt, son appareil photo sur le ventre. L’artiste est là, cachée au milieu de ses propres clichés, révélée dans ces dizaines d’autoportraits réalisés au fil des années.

Le destin a donc pris le visage d’un agent immobilier aux lunettes carrées.

Il découvre des clichés somptueux que personne (pas même Vivian Maier) n’a jamais vus : « C’était magique », reconnaît-il.
Il se retrouve en possession de plus de 120 000 négatifs.

Comment une artiste aussi douée a-t-elle pu demeurer anonyme ?
Au printemps 2009, Maloof tente de nouveau sa chance sur Google. Cette fois, le moteur de recherche lui apporte une réponse : un avis de décès, paru quelques jours plus tôt dans le Chicago Tribune, annonce que Vivian Maier vient de mourir, à 83 ans…

Si John Maloof sait maintenant qu’il ne rencontrera jamais Vivian Maier, il peut enfin remonter le fil de son existence. Chargé d’âme, il se sent investi d’une mission.
La photographe de génie était donc une nounou. De 1956 à 1972, cette grande femme discrète a élevé John, Lane et Matthew Gensburg, dans la maison familiale, au cœur d’une banlieue chic du nord de Chicago. Quand Maloof contacte la famille, les Gensburg lui racontent qu’ils se sont occupés de la vieille dame à la fin de sa vie, louant pour elle un petit appartement près du lac Michigan. À l’hiver 2007, quand sa tête heurta le sol après une chute sur une plaque de verglas, ils lui trouvèrent une maison de repos à sa sortie de l’hôpital. C’est là qu’elle rendit son dernier souffle. Les frères Gensburg ont dispersé ses cendres dans le petit bois aux fraisiers sauvages où elle aimait les emmener en promenade, mais ils détiennent encore un bric-à-brac volumineux d’annuaires périmés, de coupures de presse archivées dans des classeurs, d’horaires de chemin de fer et un demi-siècle de correspondance.
Autant de pièces qui vont permettre à Maloof de reconstituer sa vie, à travers une quête qui donne aujourd’hui lieu à un documentaire émouvant, Finding Vivian Maier.
Mais après tout, cela ne regarde personne.
L’essentiel demeure : ses milliers de clichés poignants, beaux et drôles appartiennent à l’histoire de la photographie. .