Nature et Poésie

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PHOTOGRAPHES HUMANISTES – Une indéniable sensibilité

La photographie humaniste est un courant photographique international qui réunit des photographes ayant en commun un intérêt pour l’être humain dans sa vie quotidienne. Elle est ainsi nommée parce qu’elle inscrit la personne humaine au centre de son propos, dans son cadre professionnel aussi bien qu’affectif.

Apparu en 1930 à Paris, c’est entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et les années soixante que la photographie humaniste connaît son apogée.

Parmi les photographes humanistes, on compte une majorité de Français. L’origine du mouvement est liée à la notoriété internationale acquise par certaines œuvres photographiques françaises. On y retrouve des noms célèbres comme Cartier-Bresson, Doisneau, Ronis, Brassaï, Boubat mais aussi des photographes moins connus comme Georges Viollon, Édith Gérin ou Pierre Belzeaux. Tous partagent une vision essentialiste et  lyrique de l’homme et s’appuient sur l’idée d’une nature humaine universelle.

De nombreux photographes humanistes affirment leur engagement idéologique ou leur espérance en l’homme et leur solidarité active envers les plus démunis. Beaucoup partagent les luttes des ouvriers, donnent écho aux revendications des mal-logés, relayent des actions caritatives. Attentifs au présent, ils donnent à voir la modernisation et les progrès touchant le monde du travail, de la vie quotidienne des villes et des villages. Participant à des campagnes publiques pour le bien-être de tous et le développement des individus, ils affirment, en dépit des horreurs de la guerre, leur espoir en une société plus juste et en de meilleurs lendemains et présentent à leurs contemporains un optimisme résolu et un attachement fort aux valeurs de partage, de solidarité et de communion entre les hommes.

Elargissant ce regard à d’autres horizons, certains photographes importent aussi la vision d’hommes et de femmes du monde entier et véhiculée, à travers livres et presse, l’idée d’une universalité des qualités et des valeurs humaines.

« Correspondant(s) de paix » aux yeux de Prévert, ils adhèrent aux idéaux et aux espoirs d’une époque : celle de la mise en place d’institutions internationales pour la diplomatie et le développement (l’ONU et l’Unesco).

Loin de la mièvrerie simpliste qu’on lui prête volontiers, cette vision – après les horreurs de la guerre et dans les menaces nouvelles de déchirements internationaux – est une résolution affichée à garder foi en un genre humain uni, bon et perfectible.

Les photographes adoptent une attitude de respect par rapport aux personnes photographiées et d’humilité par rapport au sujet. Ce sont des artisans photographes, les plus célèbres ayant toutefois souvent suivi un enseignement artistique professionnel. Ils parcourent le monde, attentifs à composer l’image et à capter l’instant décisif.

De la réalité quotidienne et apparemment banale dont ils nourrissent leur œuvre, les photographes humanistes font resurgir ce que Cartier-Bresson appelle un « imaginaire d’après nature » : à travers leur objectif, la vie de tous les jours devient tout à tour théâtrale, merveilleuse ou poétique.

Attentifs comme Doisneau au « spectacle permanent et gratuit de la vie quotidienne », ils transforment les anonymes de la rue en acteurs naturels de la comédie humaine, les changent en figures comiques, fantastiques ou oniriques.

La présence de figures humaines fait basculer de simples paysages dans le registre poétique de la contemplation et le personnage de dos, tant prôné par Boubat, imprègne de sa rêverie la réalité qui l’entoure.

Ces images, porteuses de rêve ou de fiction, doivent leur force évocatrice à une indéniable sensibilité formelle (à la lumière ou à la composition) que ces photographes – souvent graphistes ou peintres de formation – ont déniée tel Izis, dans leur recherche sincère de la « bonne photo simple.

« Il y a toutes sortes de regards, des regards froids, des regards chaleureux des regards qui jugent, d’autres qui fusillent ou qui vous déshabillent. Et puis, il y a le regard des poètes, ce regard qui transfigure les choses et des gens. Doisneau n’était pas vraiment un photographe. C’était avant tout un poète de la rue, un homme qui nous montrait le pavé de nos villes comme nous ne l’avons jamais vu, qui regardait les gamins de Paris, ses couples d’amoureux ou ses vieillards ridés avec une infinie tendresse… Je ne sais pas si une image vaut mille ou dix mille mots, mais je sais que les photos de Doisneau sont inépuisables ; qu’elles disent tout un univers de sentiments mieux que la plupart des romans. Humanité, humour, amour, Robert Doisneau avait le don de capter le meilleur de la vie, de saisir l’instant fugace où le quotidien banal devient soudain pur moment de poésie. Cela s’appelle le génie. » 
(Source : magazine Photo, spécial Robert Doisneau – Octobre 1995)