Nature et Poésie

Une sélection de beaux textes à découvrir… Contemporains ou anciens des écrits pleins de vie et de poésie pour tous.

Paul-Emile Victor : « Moi je vis pour dans 500 ans. »

Toute sa vie, Paul-Emile Victor s’est passionné pour les pôles.
Ses nombreuses expéditions en Arctique comme en Antarctique, son savoir-faire reconnu de logisticien polaire, ses talents d’écrivain et de dessinateur, son sens inné de la communication, sa notoriété et son combat écologique avant-gardiste en font l’une des grandes figures de l’aventure du vingtième siècle.

Écrivain, dessinateur, protecteur de la nature avant l’heure, homme de cœur, de contact et de communication, a laissé en héritage – outre un institut polaire et un musée – un état d’esprit, celui qui a guidé sa vie d’explorateur et d’humaniste passionné, ouvert sur le monde et sur les autres.
Depuis son plus jeune âge, il a porté et défendu des valeurs telles que :

L’esprit d’équipe, le sens du partage et de l’intérêt général, voire de l’intérêt national,
Le sens de la responsabilité, personnelle et planétaire,
L’intégrité, l’indépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques et financiers,
La curiosité, l’ouverture, la confiance en l’autre, • Le sens de la transmission, l’écoute et le soutien aux générations futures…

Paul-Émile Victor (1907-1995) est né à Genève. Il a passé toute son enfance à Saint-Claude dans le Haut-Jura où son père possédait une usine de pipes.
Sa vocation polaire remonte à son enfance. Il oriente toutes ses études pour réaliser son rêve. Ingénieur (école centrale de Lyon), licencié es Sciences, diplôme d’ethnologie (Institut d’ethnologie de Paris), il a également des certificats de licence de Lettres. Il fait son service militaire comme officier de marine pour apprendre à naviguer. Il a contribué à préparer la signature à Washington, le 1er décembre 1959, du traité sur l’Antarctique. Ce traité, démilitarisant a été reconduit pour 50 ans en avril 1991 à Madrid, confirmant ainsi l’Antarctique comme une terre destinée exclusivement à la recherche scientifique. Il était membre du Conseil consultatif et du Conseil scientifique des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). En 1974, il crée le Groupe Paul-Émile Victor pour la défense de l’Homme et de son environnement, avec Alain Bombard, Jacques-Yves Cousteau, Haroun Tazieff auxquels se sont joints, Jacqueline Auriol, le docteur Debat et le professeur Louis Leprince-Ringue. Comblé d’honneurs et de distinctions prestigieuses, il repart en terre Adélie pour fêter ses 80 ans, et il retourne, la même année, au pôle Nord avec l’expédition Au pôle Nord en ULM, de Hubert de Chevigny et Nicolas Hulot.

En 1992, dans «Planète Antarctique», il affirmait encore :

L’Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV) est un groupement d’intérêt public qui offre les moyens humains, logistiques, techniques et financiers ainsi que le cadre juridique nécessaires au développement de la recherche scientifique nationale dans les régions polaires et subpolaires.
Cet institut fondé en 1992 succède sous ce nom aux Expéditions Polaires Françaises créées et animées par l’explorateur et ethnologue français Paul-Émile Victor en 1947.
Depuis son siège à Brest, les équipes permanentes de l’IPEV, une cinquantaine de personnes au total, gèrent les moyens nécessaires à l’organisation des expéditions scientifiques, notamment les six bases scientifiques françaises déployées dans les régions polaires (une en Arctique, deux en Antarctique et trois dans les îles sub-antarctiques), le navire polaire l’Astrolabe et le navire océanographique Marion Dufresne 2.

« Mes études n’avaient qu’un but : construire ma vie. Dès l’âge de quinze ans, j’avais voulu être « explorateur polaire » ou « vivre en Polynésie ».
Mon père m’y avait encouragé, devinant qu’il ne s’agissait pas d’un rêve passager d’adolescent, mais bien d’une vocation…

Les glaces et la nuit polaire. Les lagons et le soleil des tropiques. Quel contraste ! Mais aussi quel enrichissement !
Aujourd’hui, grâce à mes amis eskimos, grâce à mes amis polynésiens, je suis un homme heureux. Ils m’ont appris, les uns et les autres, qu’il y aura toujours d’autres « après », d’autres « ailleurs « .
A condition d’avoir toujours sous la main, à chaque instant, un enthousiasme…

Il me revient à la mémoire cette phrase qui n’est pas une citation : le seul héroïsme au monde est de vivre avec ce que l’on sait et ce dont on se souvient, et privé de ce qu’on espère.
Mais l’homme qui a perdu l’espérance (donc qui n’aime plus, qui ne croit plus) n’est plus un homme. S’il ne meure pas – parfois de sa propre main – il n’est rien de plus qu’un être vivant.
Le pire crime n’est pas de tuer.
Le pire crime est d’assassiner en l’homme l’espérance.

Une rumeur comme un balancement. Une rumeur à peine perceptible qui vient de si loin, de si profond qu’elle fait mal sous les ongles, mal dans les tempes, mal dans tous les pores de la peau. Une rumeur qui est là-dessous, sous moi, sous le traîneau, sous la glace. Une longue plainte sourde, grave, désespérée : la mer.
Je pars dans le vent et probablement dans le néant. Mais si ce néant s’avérait être un trésor, je me battrais contre les puissantes des ténèbres pour faire entendre une vois enrichie de cette expérience nouvelle, pour vous dire la promesse que j’aurais arrachée au silence… Afin que vous sachiez qu’après il y a quelque chose, autre chose. »