Nature et Poésie

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Nelson Mandela : Inlassablement engagé dans le présent

L’homme s’est révélé à la hauteur du mythe. Il a su s’élever au-dessus de la vengeance, de l’intérêt partisan ou immédiat, pour sauver un pays qui s’enfonçait dans la guerre civile. Et il a réussi, même si l’Afrique du Sud post-apartheid n’a pas encore surmonté ses immenses problèmes.

Cet homme à la vie accomplie, occupe assurément une place à part dans l’histoire.

Symbole de paix dans le monde et considéré comme un demi-dieu en Afrique du Sud, Nelson Mandela était aussi un héros pour les villageois de Qunu (sud), le lieu de sa prime enfance, mais ceux-ci l’admiraient surtout pour sa désarmante simplicité leur permettant de parler d’égal à égal avec l’ancien président.
Ici, dans les dernières années de sa vie, Mandela était à la fois une vedette locale, pourvoyeur de bienfaits grâce aux nombreuses opérations caritatives suscitées en son nom, et un villageois comme les autres, se promenant dans les champs et échangeant des nouvelles avec ses voisins, avant que ses ennuis pulmonaires à répétition ne l’obligent à regagner Johannesburg.
En chandail et bonnet pour se protéger du vent balayant les collines où le village s’est peu à peu étendu et dispersé, il réchauffait ses vieux os sur un banc de bois, profitant des rayons de soleil que le climat d’Afrique australe pourvoit même en hiver.
Près de la case servant de cuisine familiale, il buvait son bol de lait caillé, tandis que des moutons traversaient la parcelle.
Rien dans ce paysage bucolique et vallonné aux cases de couleurs vives ne distinguait ces quelques kilomètres carrés du reste de l’Afrique du Sud profonde. La vie s’y écoulait au rythme lent des tâches traditionnelles, du jardinage, de l’entretien du bétail. Ce n’était pas le dénuement mais les demeures étaient modestes. Tout au plus, les maisons dotées du confort moderne y étaient-elles plus nombreuses, avec l’eau courante au robinet et l’électricité, un luxe qui n’existait pas du temps de la jeunesse de Mandela et qui fait encore défaut à au moins 30% de Sud-Africains pauvres.
La capitale Pretoria, symbole du pouvoir de la minorité blanche jusqu’à l’élection de Nelson Mandela en 1994, est à 900 km. L’aéroport le plus proche, Mthatha, à une demi-heure de route.
C’est à Qunu, village cher à son cœur, que Nelson Mandela souhaitait être inhumé le jour venu, comme la plupart de ses proches…
«Tatamkhulu (grand-père), ta voix sévère quand tu n’étais pas content de nous va nous manquer…» Nandi Mandela.

« Si un homme de quatre-vingt-dix ans peut se permettre de vous donner un conseil que vous n’avez pas sollicité,
ce serait que vous placiez la solidarité et le souci de l’autre au centre des valeurs qui vous font vivre… »

Nous avons marché en silence jusqu’à ce que le soleil descende lentement à l’horizon. Mais le silence du cœur entre une mère et son enfant n’est jamais celui de la solitude. Ma mère et moi, nous ne nous parlions jamais beaucoup mais nous n’en avions pas besoin. Je n’ai jamais douté de son amour ni de son soutien […]

« Le premier jour de classe, mon institutrice, Miss Mdingane, nous a donné à chacun un prénom anglais et nous a dit que dorénavant ce serait notre prénom à l’école. A cette époque, c’était la coutume, sans doute à cause de la prévention des Britanniques envers notre éducation. Celle que j’ai reçue était britannique et les idées britanniques, la culture britannique, les institutions britanniques étaient censées être supérieures. La culture africaine n’existait pas… Les Africains de ma génération – et encore ceux d’aujourd’hui – ont en général un prénom anglais et un prénom africain. Les Blancs ne pouvaient ou ne voulaient pas prononcer un prénom africain, et ils considéraient qu’en porter un était non civilisé. Ce jour-là, Miss Mdingane m’a dit que mon nouveau prénom serait Nelson. Pourquoi m’a-t-elle attribué celui-là en particulier, je n’en ai aucune idée. Cela avait peut-être quelque chose à voir avec le grand capitaine Lord Nelson, mais ce n’est qu’une supposition…. Être Africain en Afrique du Sud signifie qu’on est politisé à l’instant de sa naissance, qu’on le sache où non. Un enfant africain naît dans un hôpital réservé aux Africains, il rentre chez lui dans un bus réservé aux Africains, il vit dans un quartier réservé aux Africains, et il va dans une école réservé aux Africains, si toutefois il va à l’école. Quand il grandit, il ne peut occuper qu’un emploi réservé aux Africains, louer une maison dans un township réservé aux Africains et on peut l’arrêter à n’importe quelle heure de jour ou de la nuit pour lui donner l’ordre de présenter un pass, et s’il ne peut pas, on le jette en prison. Sa vie est circonscrite par les lois et les règlement racistes qui mutilent son développement, affaiblissent ses possibilités et étouffent sa vie. Telle était la réalité et on pouvait l’affronter de milliers de façons. » […]

« Il n’y a pas grand-chose de positif à dire sur la pauvreté, mais elle faisait souvent naitre l’amitié. Beaucoup s’empressent autour de vous quand vous êtes riche, mais seules quelques personnes, rares et précieuses, le font quand vous êtes pauvre. Si la richesse est un aimant, la pauvreté est une sorte de repoussoir. Pourtant quand vous êtes pauvre, les autres vous manifestent souvent une générosité véritable. Combattre la pauvreté n’est pas un acte de charité. C’est un acte de justice. C’est la protection d’un droit humain fondamental, le droit à la dignité et à une vie décente. Le droit de l’humanité est dénié chaque jour à des millions de gens, par leur pauvreté et de leur incapacité à pourvoir à des besoins tels que la nourriture, le travail, l’eau, l’abri, l’éducation, la santé et un environnement sain. On ne devrait pas juger une nation sur la façon dont elle traite ses citoyens les plus riches mais sur son attitude vis-à-vis de ses citoyens les plus pauvres. » […]

« Je n’ai pas connu d’instant exceptionnel, pas de révélation, pas de moment de vérité, mais l’accumulation régulière de millier d’affronts, de millier d’humiliations, de millier d’instants volés, a créé en moi une colère, un esprit de révolté, le désir de combattre le système qui emprisonnait mon peuple. Il n’y a pas de jour particulier où j’aurais dit : à partir de maintenant je vais me consacrer à la libération de mon peuple ; à la place je me suis simplement trouvé en train de le faire sans pouvoir m’en empêcher. Je ne suis pas né avec une faim de liberté. Je suis né libre – libre de toutes les façons que je pouvais connaître. Libre de courir dans les champs près de la hutte de ma mère, libre de nager dans le ruisseau clair qui traversait mon village, libre de faire griller du maïs sous les étoiles et de monter sur le dos large des bœufs au pas lent. » […]

« Ce n’est que lorsque j’ai appris que la liberté de mon enfance n’était qu’une illusion, qu’on m’avait déjà pris ma liberté, que j’ai commencé à avoir faim d’elle. Etre libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres. La liberté sans le civisme, la liberté sans la capacité de vivre en paix, n’est absolument pas la vraie liberté !
C’est au cours de ces longues années solitaires que la faim de liberté pour mon peuple est devenue faim de liberté pour tous, Blancs et Noirs. Je savais parfaitement que l’oppresseur doit être libéré tout comme l’oppressé. Un homme qui prive un autre homme de sa liberté est prisonnier de la haine, il est enfermé derrière les barreaux des préjugés et de l’étroitesse d’esprit. Je ne suis pas vraiment libre si je prive quelqu’un d’autre de sa liberté, tout comme je ne suis pas libre si l’on me prive de ma liberté. L’opprimé et l’oppresseur sont tous deux dépossédés de leur humanité…

J’ai parcouru ce long chemin vers la liberté. J’ai essayé de ne pas hésiter ; j’ai fait beaucoup de faux pas. Mais j’ai découvert ce secret : après avoir gravi une haute colline, tout ce qu’on découvre, c’est qu’il reste beaucoup d’autres collines à gravir. Je me suis arrêté un instant pour me reposer, pour contempler l’admirable paysage qui m’entoure, pour regarder derrière moi la longue route que j’ai parcourue. Mais je ne peux me reposer qu’un instant ; avec la liberté viennent les responsabilités, et je n’ose m’attarder car je ne suis pas arrivé au terme de mon long chemin. » […]

« J’ai appris que le courage n’était pas de ne pas avoir peur, mais d’en triompher. Moi-même, j’ai ressenti la peur plus de fois que je ne peux m’en souvenir, mais je la cachais, derrière un masque intrépide.
L’homme courageux n’est pas celui qui n’éprouve pas la peur, mais celui qui l’apprivoise.
J’ai agi tout au long de ma vie avec la conviction que nous ne sommes qu’un pays, et qu’un peuple. Un pays, un peuple.
Le temps est venu de panser les blessures. Le temps est venu de combler les gouffres qui nous séparent.
Le temps de construire est arrivé….Nous prenons l’engagement de construire une paix complète, juste et durable.
Le nouveau monde ne sera pas construit par ceux qui restent à l’écart les bras croisés, mais par ceux qui sont dans l’arène, les vêtements réduits en haillons par la tempête et le corps mutilé par les évènements. L’honneur appartient à ceux qui jamais ne s’éloignent de la vérité, même dans l’obscurité et la difficulté, ceux qui essayent toujours et qui ne se laissent pas décourager par les insultes, l’humiliation ou même la défaite.
Le sens des mots véritables que l’on prononce doit être validé par des actes quotidiens.
Rappelons-nous que ce sont des gens ordinaires – les hommes et les femmes, les garçons et les filles – qui font du monde un endroit spécial. »