Nature et Poésie

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Jean-Louis Etienne – Aux confins de l’Antarctique

Jean-Louis Etienne ne s’arrête jamais ! À près de 75 ans, le célèbre médecin explorateur donne le coup d’envoi d’une nouvelle aventure aux confins de l’antarctique.

La passion est intacte, et cette fois, c’est au chevet d’un océan méconnu du grand public que le docteur Etienne veut s’engager : l’océan Austral.
Ses eaux en partie glacées, battues par les vents les plus violents, ont longtemps rendu l’océan Austral inaccessible aux campagnes scientifiques.

Il faut imaginer un anneau océanique de 20 000 km de circonférence qui réunit autour du continent antarctique les eaux de l’Atlantique, de l’Indien et du Pacifique. Animé par le courant circumpolaire, son débit est de 150 millions de mètres cubes par seconde, soit 150 fois le débit de tous les fleuves du monde réunis !

Si Jean-Louis Etienne s’intéresse particulièrement à cet océan, c’est qu’il absorbe 50% de la quantité de gaz carbonique émis par les activités humaines. C’est le principal puits de carbone océanique de la planète. Sans lui, l’air serait peut-être irrespirable ! Cette ceinture d’eau très froide isole par ailleurs comme une glacière le continent antarctique des flux de chaleur des latitudes moyennes.
Loin, rude, immense, désolé et dangereux, l’océan Austral est encore mal connu.

« Il y a un besoin crucial de mesures en mer en toutes saisons pour connaître plus précisément les « performances » de cet océan dans la régulation du climat sur terre. »

 

Jean-Louis Etienne part donc pour un long voyage.

Pour cette expédition australe, le Polar Pod (Plateforme Océanographique Dérivante) fera deux tours du monde. En tout, trois années en orbite autour de l’Antarctique entrainé par le courant circumpolaire entre 50° et 55° de latitude sud à une vitesse moyenne de 1,5 km/h !

À l’image de la station spatiale internationale, le Polar Pod sera une station océanographique internationale accompagnée d’un bateau ravitailleur qui relaiera tous les deux mois un équipage de 8 personnes, composé de 3 marins, de 4 scientifiques et d’un(e) cuisinier(e). Pour vivre dans cet univers hostile, il a fallu imaginer un immense navire vertical capable de supporter les houles géantes et les vagues scélérates que l’on rencontre dans le grand sud.

« On nous a imposé des normes de construction équivalentes à celles des plates-formes pétrolières en mer du Nord, notamment celles de pouvoir résister à une vague cinquantennale de 38 mètres de haut ! »

Sans motorisation, entrainé par le courant circumpolaire et les vents d’ouest, alimenté en énergies par six éoliennes, Polar Pod est un navire « zéro émissions ». Avec ses voiles asymétriques, il pourra s’éloigner s’il le faut de la route d’un iceberg. Equipées d’hydrophones de grandes sensibilités, les équipes du Polar Pod vont pouvoir réaliser à partir de fin 2023 un inventaire de la faune marine aux quatre saisons pendant trois années consécutives, promettant ainsi une cartographie sonore unique de la biodiversité de cet océan qui n’échappe pas à la pression anthropique.

« Des analyses de prélèvements d’eau et d’air pourront nous donner un bilan très précis des pollutions causées par les aérosols, les micro-plastiques, les pesticides, les polluants organiques et les métaux lourds. »

 

43 institutions scientifiques de 12 pays sont impliquées dans le projet.

Ce programme de recherche coordonné par David Antoine du laboratoire CNRS de Villefranche-sur-Mer bénéficie de l’engagement de chercheurs de douze pays. Il sera donc rendu accessible à l’ensemble de la communauté scientifique internationale. Ce sera une contribution française au programme de la décennie des océans de l’UNESCO.

« En 2026, à la fin de l’aventure Polar Pod, j’aurais 80 ans ! Affronter l’incrédulité, la méfiance, le déni est le prix de toute idée neuve. Le découragement est un test permanent à franchir, sinon rien de grand ne se réalise… Ces régions polaires c’est l’intériorité, c’est l’âtre, c’est le feu, ce n’est pas l’extraversion d’une plage au soleil, c’est quelque chose qui vous ramène à vous. On passe du temps avec soi dans ces régions. »

Avec cette nouvelle expédition océanographique dans l’océan Austral, Jean-Louis Etienne pose une pierre de plus au monumental édifice scientifique et aventurier qu’il a bâti à force de courage et de ténacité, de passion aussi pour la nature et notre planète qu’il n’a de cesse d’arpenter pour mieux les protéger de nos excès.