Nature et Poésie

Une sélection de beaux textes à découvrir… Contemporains ou anciens des écrits pleins de vie et de poésie pour tous.

Jacques Prévert : le poète amoureux de la liberté

Il n’est pas facile d’être virtuose dans la simplicité.

Grave et farceur, surprenant et familier, Prévert, malgré le formidable écart qu’il impose au langage, a su rester proche de tous ses lecteurs.
S’il est poète, c’est moins pour avoir créé un style ou un univers que pour avoir révélé un état d’esprit à la fois particulier et universel puisque, dans une telle spontanéité, chacun est poète.

Poèmes, films ou chansons, rien de ce qui peut être à la fois populaire et noble n’est étranger à Jacques Prévert, titi des faubourgs parisiens et prince du réalisme poétique. Le poète a vécu comme il a travaillé : au gré de sa fantaisie, et parfois de sa paresse.

L’homme était ennemi des définitions, et ni sa vie ni son œuvre ne se laissent aisément fixer : évoquer Jacques Prévert, c’est évoquer surtout une attitude, un état d’esprit  et une époque.

Malgré ces premières expériences littéraires, c’est le cinéma qui va d’abord populariser son nom. Ses dialogues étincelants et son sens de l’intrigue font de lui le principal représentant du « réalisme poétique ». Scénariste, il travaille avec Renoir et, surtout, avec Carné, pour qui il écrit les chefs-d’œuvre du cinéma français de l’entre-deux-guerres et de l’Occupation : Drôle de drameQuai des brumesLe jour se lèveles Visiteurs du soirles Enfants du paradis.

Bien que Prévert ait travaillé avec de nombreux réalisateurs, sa collaboration avec Marcel Carné marque le sommet de ce qu’on a appelé le « réalisme poétique », qui est sans doute le grand moment du cinéma français, et qui trouve avec les Enfants du paradis sa plus parfaite expression.

L’œuvre littéraire de Prévert est contenue dans la vingtaine de volumes qu’il a publiés après la guerre et qui reprennent des poèmes parfois écrits bien longtemps avant leur parution. À vrai dire, c’est par commodité qu’on appelle « poèmes » des textes qui ne relèvent d’aucun genre fixe et qui empruntent aux catégories les plus variées : feuilletons, catalogues, féeries, collages ou aphorismes. Beaucoup ressemblent à des fables et sous-entendent une morale — ou une contre-morale. Il y est fait un large usage de la citation, du coq-à-l’âne et du calembour ; l’énumération y est élevée au rang d’un art.

Attentif à ce que la réalité peut avoir de plus libre et de plus magique, Prévert ne peut manquer de débusquer dans l’hétéroclite une cohérence supérieure, qui est au moins celle de sa propre fantaisie. Tendre pour les êtres simples, il peut se montrer féroce avec tous ceux qui, à ses yeux, représentent un ordre répressif. Il perpétue ainsi un courant anarchisant et confond en une seule exécration toutes ses « bêtes noires » : financiers, magistrats, militaires, ecclésiastiques ou professeurs.

Peu d’auteurs sont restés aussi sincères, aussi fidèles à eux-mêmes. Si l’immense popularité de Prévert est gagnée dès son premier recueil, c’est qu’il s’est toujours exprimé avec liberté et naturel. Les formes les plus surprenantes sont dénuées de tout hermétisme, de toute théorie et de toute gratuité. Acrobate et jongleur, Jacques Prévert méconnaît l’artifice. En dénonçant ce qu’il méprise, il prête sa voix à tous ceux qui la reconnaissent comme la leur, qui retrouvent leur langage simple ou leur petite musique au détour d’un vers, d’une réplique ou d’une ritournelle. Là encore, les textes ont trouvé un écho.

Je sais, un peu partout, tout le monde s’entretue, c’est pas gai, mais d’autres s’entrevivent, j’irai les retrouver.