Nature et Poésie

Une sélection de beaux textes à découvrir… Contemporains ou anciens des écrits pleins de vie et de poésie pour tous.

Biodiversité et Humanité

Les grands titres de la presse nous donnent la température du monde dans lequel nous vivons : faillites économiques, crimes, intrigues politiques, guerres, résultats sportifs, scandales mondains, etc. sont autant d’indicateurs de la santé de la conjoncture actuelle. Mais derrière toutes ses activités humaines, il y a la Terre proprement dite – le système qui produit et régénère les besoins fondamentaux de la vie comme l’air, l’eau et le sol …
Fonctionnant globalement, le système terrestre nous donne de l’oxygène et absorbe notre dioxyde de carbone, il assure la régulation de l’humidité et celle de températures appropriées au maintien de la vie.
Parce que le soleil brille, les plantes effectuent leur photosynthèse et les champignons et bactéries décomposent les matières organiques pour les transformer en terre fertile.
Parce que les arbres dirigent l’eau non polluée vers les profondeurs du sol et que les oiseaux et les abeilles polonisent nos cultures, nous disposons d’aliments et de médicaments, et de matériaux pour nous vêtir et nous abriter.
Les micro-organismes qui vivent en nous, nous aident à décomposer les aliments et à absorber les nutriments, et ils nous protègent des infections.
En toute discrétion, les écosystèmes de la planète régulent les maladies, équilibrent les ravageurs, maintiennent les déserts à leur place et nous fournissent de l’eau potable. Sans oublier bien sûr la valeur spirituelle et récréative dérivée de notre contact avec la nature.


Et tous ces précieux services invisibles, sans lesquels nous ne pourrions pas vivre – ne nous coûtent rien. Enfin, ils sont invisibles jusqu’au jour où quelque chose tourne mal. C’est à ce moment-là que nous découvrons combien nous tenons la nature pour acquise.

Mais la bonne nouvelle, c’est qu’en s’informant sur le fonctionnement du système terrestre, chacun de nous peut par ses actions protéger les systèmes dont nous sommes tributaires – au même titre que toute vie sur Terre. En adaptant notre mode de vie à notre connaissance des écosystèmes, nous pouvons faire une différence.

Des déchets qui valent de l’or

En Ouganda, SANGA MOSES travaillait autrefois dans une banque. Aujourd’hui, il dirige une entreprise verte qui transforme les déchets agricoles en combustible et en engrais, et organise des projets de reboisement. Il nous explique son parcours atypique.

« Je travaillais pour l’une des plus grandes banques d’Ouganda, et je n’habitais donc plus au village.
Un mercredi, alors que j’allais rendre visite à ma mère, je suis tombé sur ma petite sœur qui portait du bois. En me voyant, elle s’est mise à pleurer  : « Je devrais être à l’école, mais maman veut que j’aille chercher du bois. »
Lorsque j’en ai parlé à notre mère, elle m’a dit : « Je suis vieille, sans elle, je ne peux pas m’en sortir. »
Cette conversation m’a hanté. Ma sœur était sur le point de perdre son seul espoir d’une vie meilleure grâce à l’éducation. Et tant de filles sont dans le même cas.
L’Ouganda a déjà perdu 70 % de sa couverture forestière et, d’après l’ONU, si rien n’est fait, la totalité des forêts auront disparu d’ici 2052. En dix ans, les choses ont vraiment changé. Quand j’étais jeune, nous pouvions élever des vaches parce que les saisons étaient stables, les pluies prévisibles, et que le village ne manquait pas d’eau. Aujourd’hui, la sécheresse dure longtemps, il ne reste plus d’eau au village, et il n’est plus possible de garder le bétail à proximité des habitations.
Ma première idée a été de vendre des cuisinières solaires. J’en ai acheté plusieurs et j’en ai donné une à ma mère. Mais cela ne lui convenait pas  : « Je ne peux pas cuisiner la nuit, la poussière se dépose parfois sur les aliments, et quand il pleut, on ne peut pas manger », se plaignait-elle. Alors je suis allé voir le responsable du département des énergies renouvelables à l’université de Makerere. C’est lui qui m’a appris à utiliser les abondants déchets agricoles et municipaux pour fabriquer un combustible de cuisine non polluant et des engrais bios pour revitaliser les sols.
Ensemble, nous avons fabriqué deux choses simples. La première est un four portable réalisé à partir d’un vieux baril de pétrole. Nous donnons ces fours aux cultivateurs et nous leur montrons comment carboniser et tamiser les déchets agricoles pour produire un charbon bio. Nous leur achetons ce charbon et ils gardent les résidus pour amender leur terre.
Notre deuxième création est un appareil simple qui permet de compresser le charbon bio pour qu’il puisse alimenter les cuisinières traditionnelles. Les femmes n’ont pas besoin de modifier leur manière de cuisiner  : notre combustible a exactement la même apparence que le charbon de bois, mais il brûle un peu moins vite, et surtout, il dégage moins de fumée. Nous avons fondé Eco-Fuel Africa en juin 2010. Aujourd’hui, nous employons 25 personnes à plein temps, et les 2 500 cultivateurs de notre réseau produisent le charbon bio pour 30 dollars environ par mois. Nous vendons le charbon bio grâce à 260 femmes franchisées, qui gagnent environ 5 dollars par jour. Nous réinvestissons une partie de nos revenus dans le reboisement.
Nous travaillons avec des écoles, qui sont ravies d’enseigner la durabilité dans le cadre de I Am For Trees, petits clubs ressemblant à ceux des scouts, et nous leur fournissons les jeunes plants dont ils ont besoin. Nous avons déjà planté près de 150 000 arbres, et ce n’est qu’un début. Notre objectif est de nous développer le plus rapidement possible pour réhabiliter la forêt ougandaise.
Mais à dire vrai, je ne crois pas que nous puissions régler le problème à nous seuls. Il faut que nous continuions à travailler avec les villages pour montrer notre technologie, et nous avons aussi besoin du soutien des pouvoirs publics. »

7 merveilles de la forêt

 1   Les vers à soie

Selon Confucius, tout a commencé en 2640 avant notre ère, le jour où une impératrice chinoise fit tomber par hasard un cocon de ver à soie dans sa tasse de thé. Elle découvrit alors que le cocon pouvait se dérouler en fine fibre. La Chine conserva longtemps le monopole mondial du commerce de la soie, gardant jalousement le secret de sa méthode de production, qui consistait à nourrir les vers avec des feuilles de mûrier. Toute personne faisant contrebande d’œufs, de vers ou de cocons risquait la peine de mort, et ce n’est que vers l’an 550 que l’Europe apprit enfin à produire la soie. Aujourd’hui, le marché reste dominé par la soie produite à partir de mûriers, mais d’autres espèces de vers sont récoltées dans les forêts. À Madagascar, par exemple, le ver à soie malgache trouve sa nourriture dans les forêts de tapia (Uapaca bojeri) des hautes terres de l’Amoron’I Mania ; il n’en reste cependant que 50 000 hectares, qui sont d’ailleurs menacés par l’exploitation forestière, les feux de bush et la prolifération des pins.

 2   La gomme-laque

Transparente mais résistante, la gomme-laque est utilisée depuis fort longtemps pour vernir les violons, enrober les fruits, protéger les meubles, fabriquer des disques de gramophone et de nombreux autres objets. C’est un liant, un adhésif, et un excellent isolant électrique, qui résiste au feu et à l’eau. Ce résidu est secrété par la cochenille à laque indienne (Laccifer lacca) qui se nourrit de la sève de plus de 160 espèces d’arbres. On extrait son pigment écarlate – utilisé en cosmétique et pour teinter la laine et la soie – pour obtenir une résine transparente. À la fin du 19e siècle, on commence à créer des laques synthétiques. C’est le début de l’industrie moderne des polymères et plastiques. Pendant la 20e siècle, les substituts artificiels ont fortement réduit la demande pour le produit naturel, mais ses propriétés uniques n’ont jamais été égalées, et la petite industrie de la gomme-laque reste florissante.

 3   Le saule blanc

C’est probablement le médicament le plus connu au monde et c’est certainement l’un des plus utiles. L’aspirine provient de l’écorce du saule blanc à feuilles caduques (Salix alba), qui était déjà utilisé dans l’Antiquité grecque et romaine et en médecine chinoise pour atténuer la fièvre et la douleur. Le principe actif, la salicine, un anti-inflammatoire naturel, fut isolé et raffiné par des chimistes européens dans les années 1800. C’est en 1897 que le chimiste allemand Felix Hoffmann, qui travaillait chez Bayer, réussit à en synthétiser une forme stable qui fut brevetée en 1900. On sait depuis peu que prise régulièrement à petites doses, l’aspirine peut permettre de prévenir attaques et crises cardiaques. De nouvelles études indiquent qu’elle permettrait aussi de lutter contre le cancer. L’écorce de saule continue à être utilisée en herboristerie, où elle est appréciée pour ses vertus anti-oxydantes, antiseptiques et protectrices du système immunitaire.

 4   Les nids d’hirondelles

Il faut 45 jours à la salangane d’Asie du Sud-Est (Collocalia spp.) pour bâtir son nid, grâce à sa propre salive, sur les murs des cavernes de forêts tropicales. Pourtant, ce nid peut disparaître en quelques minutes dans l’assiette d’un gourmand. Apprécié depuis plus de mille ans, le célèbre potage aux nids d’hirondelles possède une texture gélatineuse très particulière. Dans la seule ville de Hong Kong, on consomme chaque année plus de cent tonnes de nids – qui sont censés favoriser la cicatrisation et renforcer le système immunitaire. La plupart viennent des forêts indonésiennes, et correctement gérée, la collecte des nids pourrait être durable. Mais l’augmentation de la demande entraîne des abus : des cueilleurs sans scrupules prélèvent les nids avant l’éclosion des œufs et l’envol des petits, ou chassent si fréquemment que les oiseaux n’ont pas le temps de s’en remettre. Par ailleurs, l’exploitation forestière illégale et les feux de forêt participent aussi à la destruction de l’habitat des salanganes.

 5   Le bambou

Malgré les apparences, c’est une herbe. Le bambou est une des plantes dont la croissance est la plus rapide au monde. Certaines variétés peuvent même pousser de 120 cm par jour. Le bambou fixe le carbone 7 à 30 % plus vite qu’aucun arbre, et comme il est particulièrement durable, il piège le carbone plus longtemps. Il pousse dans de vastes et magnifiques forêts qui couvrent 22 millions d’hectares des régions tropicales et subtropicales. Le bambou rend de multiples services à l’écosystème : il nettoie l’eau, la retient dans le sol, et protège celui-ci de l’érosion. Matériaux de construction, revêtements de sol, meubles, papiers, vaisselles et ustensiles de cuisine, nattes de couchage, charbon de bois, textiles, instruments de musique, aliments et même cadres de bicyclette, le bambou est partout. Il est facile à cultiver, sur des terres marginales et sans engrais, quel que soit le climat ou les conditions ambiantes.

 6   L’encens

Les rois mages avaient bien fait les choses en apportant
de l’encens – un des trois présents faits à l’enfant Jésus avec l’or et la myrrhe – car c’est un produit qui se révèle plus utile et plus précieux que jamais. L’encens est une résine aromatique tirée du Boswellia sacra, arbre à feuilles caduques des bois désertiques d’Éthiopie, du nord de Somalie, du sud du Yémen et des régions brumeuses et montagneuses du sud d’Oman, que l’on recueille depuis des millénaires. On sait depuis longtemps qu’il est bon pour la peau, qu’il facilite la digestion et soulage l’arthrite et les douleurs musculaires, mais les scientifiques viennent de découvrir qu’il contient aussi un agent qui désarme les cellules cancéreuses. Malheureusement, le Boswellia sacra est victime du surpâturage et des réformes agraires, et il figure désormais sur la Liste rouge des espèces mena­cées d’extinction de l’UICN.

 7   Le sucre d’érable

Délicieux, mais aussi plus riche en nutriments que tout autre
sucre raffiné, le sirop d’érable contient du manganèse, de la riboflavine, du magnésium, du potassium, du calcium et du zinc. Bien avant l’arrivée des colons européens, les populations indigènes du nord-est des États-Unis et du sud-est du Canada recueillaient la sève des érables, pour la boire, cuisiner et en faire un sirop. Ils enseignèrent cette pratique aux Européens, qui construisirent alors des cabanes à sucre pour fabriquer le sirop sur place, dans les érablières – forêt mixte contenant des souches sauvages d’érables. Le procédé est long, et nécessite l’énergie de plusieurs personnes la sève étant composée à 97,5 % d’eau. L’érable doit avoir environ 40 ans avant qu’on puisse en prélever la sève, mais ensuite, il peut en produire chaque année jusqu’à 50 litres pendant un siècle.