Nature et Poésie

Une sélection de beaux textes à découvrir… Contemporains ou anciens des écrits pleins de vie et de poésie pour tous.

Andrée Chedid – La passion de vivre

 

Née en 1920 au Caire, Andrée Chedid s’inspira toute sa vie de ses origines méditerranéennes pour créer une œuvre abondante, lue, célébrée et étudiée dans le monde entier. Ses romans comme ses recueils de poésie, ses essais et son théâtre ne se sont jamais tenus à l’écart des combats et des convulsions de ce Moyen-Orient encore en souffrance aujourd’hui.

En célébrant le corps féminin, dans sa plus grande vulnérabilité, sa toute-puissance et ses métamorphoses,
Andrée Chedid a placé l’amour au cœur de son œuvre. Un amour qui se trouve profondément redéfini par l’écriture et la vie de cette femme extraordinairement libre, farouchement indépendante et engagée.
Une terre sans frontières, en laquelle toute l’humanité pourrait se reconnaître, c’est ce qu’elle évoque sans trêve tant à travers le poème, le roman que la nouvelle et le théâtre.
Elle tente sans cesse de sonder par l’écriture l’énigme de la vie et de la nature humaine. Ce qui la conduit à explorer des états diamétralement opposés comme l’espoir et le désespoir, la vie et la mort, la plénitude et la perte. Lucide face à la pulsion destructrice inhérente à l’être humain, elle ne cessera pourtant de donner voix à un énorme instinct de vie.
Ayant grandi dans un monde où s’entremêlaient Orient et Occident, elle a vécu cet univers composite non pas comme une aliénation, mais comme un enrichissement. C’est avec les sensations et les images de l’Égypte, du Liban et de la France qu’elle a bâti son œuvre.
Les écrits considérables et évocateurs d’Andrée Chedid en feront l’une des écrivaines les plus populaires de la deuxième moitié du XXe siècle. En 2002, elle devient la deuxième femme à obtenir le prix Goncourt de la poésie, récompense décernée à un auteur pour l’ensemble de son œuvre.

Quelques extraits de sa pensée…

« J’écris depuis l’âge de dix-huit ans, pour essayer de dire des choses vivantes qui bouillonnent au fond de chacun. »

« La liberté, chez moi, c’est un instinct. Je fuis les catégories, j’ai horreur des étiquettes. Je n’ai jamais eu d’obligations, j’ai toujours écrit ce que je voulais, quand je le voulais. Je n’ai jamais eu à souffrir de l’emprise familiale ou des modes de pensée. J’ai eu cette chance d’être libre… Si l’on est enraciné dans son milieu d’origine et ce jusqu’à la fin de sa vie, on est comme agrippé par un lierre qui enserre, étouffe. On se prive des richesses du monde. Et on ne peut pas être soi. »

« On ne peut rien bâtir de bon à trop vivre sur le passé. Ressasser les haines, les rancœurs ou même le bonheur rend incapable d’aimer dans le présent… J’ai la passion de vivre. Je saisis les choses, comme ça, par brassées, les visages, les gens. Je suis bouche bée devant les gens. J’aime, sous les désastres, rechercher la beauté de l’amour. J’essaie d’être lucide, de percer sous le drame la magnifique humanité des gens. La nature humaine est d’ombres et de lumières : je préfère parier sur les clartés. »

« Je veux garder les yeux ouverts sur les souffrances, le malheur, la cruauté du monde, mais aussi sur la lumière, sur la beauté, sur tout ce qui nous aide à nous dépasser, à mieux vivre, à parier sur l’avenir. »

« Toujours, j’ai eu ce besoin de bâtir des passerelles entre le passé et le présent ; entre les générations, entre les cultures, entre des personnes de conditions différentes, entre un homme et une femme. Entre la vie et la mort. Je veux comprendre. Je cherche à nommer ce quelque chose qui est au fond de l’homme – qui est de l’homme -, que nous ne savons pas découvrir et dont la mort est la signature. Si l’on a le courage d’envisager le tragique – la beauté et la brièveté – de notre destin, de le dire, de l’écrire, je crois qu’il nous est alors possible – qu’il nous serait alors presque facile – de nous comprendre les uns les autres. »

« Au fond, qu’est-ce que la poésie sinon l’interrogation sur les choses décisives de la vie, l’amour, la mort ? Les gens s’imaginent que la poésie c’est obscur, un truc éthéré, un machin qui virevolte dans l’air. Alors qu’elle touche à l’essence de l’homme. Écrire un poème, c’est prendre la vie à bras-le-corps, en tirer tout le vif. Le vif de la vie c’est aussi accepter la mort…
La poésie parle pour tous ceux qui sont étouffés, ceux dont la voix a été affaiblie à travers les siècles, les traditions ou les prisons de toutes sortes… Rien, en Poésie, ne s’achève. Tout est en route, à jamais. En d’autres temps, d’autres termes, d’autres élans, la Poésie, comme l’amour, se réinvente par-delà toute prescription. Ne sommes-nous pas, en premier lieu, des créatures éminemment poétiques ? Venues on ne sait d’où, tendues vers quelle extrémité ? Pétries par le mystère d’un insaisissable destin ? Situées sur un parcours qui ne cesse de déboucher sur l’imaginaire ? Animées d’une existence qui nous maintient — comme l’arbre — entre terre et ciel, entre racines et créations, mémoires et fictions ? La Poésie demeurera éternellement présente, à l’écoute de l’incommensurable Vie. »